Anorexie – Pourquoi maigrir jusqu’à frôler la mort?
Quand on souffre d’anorexie nerveuse,pourquoi voudrait-on maigrir jusqu’à frôler la mort?
Lorsqu’on souffre d’anorexie nerveuse sévère, répondre à cette question n’est pas simple. Les facteurs impliquant nos traits de personnalité, notre vécu, nos facteurs de vulnérabilité, notre hérédité et l’influence particulière qu’a la société sur nos attentes personnelles ont contribué à l’étiologie. Mais lorsque manger devient une vraie obsession, si l’on souhaite s’accrocher à la vie, il faudra aussi chercher les réponses ailleurs.
«À 14 ans j’ai souffert d’anorexie nerveuse de type restrictif.»
Je ne précise pas le chiffre exact ni ma taille parce que je sais qu’à l’époque cette information m’aurait servi de but à atteindre. L’objectif recherché? Que le chiffre sur la balance baisse tout simplement… peu importe les risques, car ma perte de poids était jadis associée à une réussite personnelle, une baisse de mon anxiété et le sentiment d’être « correcte » pour la journée. Je ne croyais pas à la guérison et je n’avais aucune idée des raisons associées à mon anorexie. J’avais juste 14 ans…
«À 14 ans je me suis réfugiée dans cet enfer sans le savoir pour éviter de grandir et par mon incapacité à déplaire aux personnes en autorité et à mes parents.»
Mon anorexie m’a servi de refuge pour m’empêcher d’avoir à m’affirmer et en réponse à mes difficultés personnelles et aux enjeux associés à mon contexte familial. Mon anorexie avait un lien avec mon adolescence, mon identité, ma sexualité et ma peur du monde des adultes. J’étais une enfant modèle qu’on admirait, qui excellait partout et surtout dans sa capacité à ressentir les autres et leurs attentes. J’avais une famille aimante et aisée, mais j’étais une enfant triste qui portait de grandes blessures d’amour et qui n’avait pas appris à développer sa propre personnalité. Je n’aurai pu à l’époque vous dire tout cela. Je n’aurais pas été en mesure non plus de le réaliser en groupe, car je m’effaçais complètement devant les autres.
«Pour guérir, j’avais d’abord besoin d’avoir confiance et d’être guidée pas à pas afin de réapprendre à vivre, à m’exprimer et à manger normalement.»
La nourriture n’était pas mon seul problème, mais à mon poids, sans signes vitaux perceptibles et avec un rythme cardiaque de 36 battements/minute, cela était tout de même un sérieux problème pour ma famille et moi. Il m’a fallu accepter de perdre complètement mon sentiment de contrôle absolu, apprendre à m’estimer autrement qu’à travers mes réalisations, perdre mes entraineurs de l’époque qui se valorisaient par mes succès et accepter de déplaire pour trouver un sens à ma vie. Tout cela a pris du temps, mais cela en a valu la peine.
J’avais besoin d’être rassuré sur tout incluant sur quoi manger, car j’avais des douleurs physiques importantes lors de ma reprise alimentaire. J’avais besoin de savoir concrètement quoi faire avant, pendant et après mes prises alimentaires. J’avais besoin de parler après les repas de mes obsessions, toutes mes obsessions alimentaires, face à la reprise du poids et face à l’apparence physique avec une personne qui pouvait vraiment m’aider à changer mes distorsions, m’aider à réaliser l’influence de mes pensées sur mon besoin de contrôle et mes comportements. Elles ont pris, mes obsessions, plusieurs mois avant de me quitter.
«Mes parents n’étaient pas des spécialistes et ne savaient pas toujours quoi me répondre.»
J’ai dû persévérer dans mes efforts et réapprendre à gérer mes peurs de la vie, autrement que par des restrictions. J’avais besoin qu’on m’aide à réaliser et faire les liens nécessaires entre mes comportements anorexiques et les enjeux sous-jacents à ma guérison. J’avais besoin de sentir qu’on croit vraiment en moi sans douter de ma parole, qu’on croit dans ma capacité à réussir même si cela pouvait sembler parfois trop lent ou pas exactement comme les règles établies. Mes parents m’ont beaucoup aidée, mais j’avais besoin d’un soutien constant avec moi dans le retour à la maison. Mes parents n’étaient pas des spécialistes et ne savaient pas toujours quoi me répondre.
«Aujourd’hui, le fait d’avoir souffert d’anorexie est une force dont je me sers dans ma pratique professionnelle auprès de ceux et celles que j’accompagne en psychothérapie.»
Il faut bien se le dire, guérir d’un trouble alimentaire tel que l’anorexie est un long chemin, pavé d’embuches. L’anorexie est bien plus qu’un problème alimentaire. C’est un problème complexe de santé mentale qui requiert alors des soins spécialisés et une psychothérapie auprès de professionnels qualifiés si l’on souhaite un rétablissement et une guérison stable à long terme.
«Avec les années, j’ai réussi à atteindre cette guérison. J’espère être un modèle pour d’autres. On présente trop souvent l’anorexie par la maigreur. C’est moins glamour la guérison… »
Or aujourd’hui, je suis devenue une femme pas parfaite, maman de trois beaux enfants pas parfaits. Après 20 ans de pratique clinique, je souhaite demeurer une clinicienne à l’écoute et devenir une chercheuse pour transmettre ce savoir expérientiel que j’ai acquis. Maintenant je m’affirme sans craindre les jugements et je suis capable de déplaire si cela s’avère nécessaire. Quand j’ai créé la Clinique St-Amour, un centre de traitements spécialisés au niveau des troubles alimentaires, c’était pour offrir des services en pensant avec du recul aux besoins de ma famille à l’époque et aux filles qui ont partagé les mêmes difficultés que moi à cette étape de leur vie.
Si vous connaissez dans votre entourage une personne qui a besoin d’aide et d’espoir, transmettez-lui cet article. Il me fera un grand plaisir de l’aider à mon tour!
Nathalie St-Amour