Je suis «assez»
Salut toi.
Je ne te connais pas. Je me doute que tu ne l’as pas eu facile. Ça ne l’a pas été pour moi non plus, en fait. Je ne sais pas d’où tu viens ni où tu veux aller. Sache d’abord que peu importe où tu es, tu es à la bonne place.
Il y a juste un petit quelque chose qui me chicote… C’est que tu trouves que tu n’es pas assez bien. Justement, j’ai quelque chose à te dire aujourd’hui : « tu es assez. »
J’ai un trouble alimentaire. Et tranquillement, je guéris. À mon rythme. J’ai recommencé l’école, j’ai des projets, une boîte à lunch bien remplie. Je collecte de beaux souvenirs pour remplacer ceux des dernières années qui n’ont pas été les plus belles.
Des années vraiment pas chics,
à me dire que je n’étais pas assez bien.
Je voulais maigrir. J’étais obsédée par la nourriture. Combien, comment, pourquoi. Je voulais tout contrôler. Mais ce n’était pas assez pour me contenter.
« Je vais être heureuse avec 10 livres en moins. Je vais être heureuse, bientôt bientôt, j’en suis sure. Finalement, encore un autre 10 livres et après je vais l’avoir, mon bonheur. » Plus je m’enfonçais dans mes obsessions, plus je refusais de dire oui à la vie. Je refusais des sorties pour refuser des calories. Ou parce que je ne pensais pas les mériter.
Mais ce n’était pas assez.
J’ai brisé deux couples, des gars merveilleux qui croyaient en moi. J’ai dû arrêter l’école trois fois. J’ai raté des journées de travail. Ma famille me suppliait de prendre soin de moi, de me dire ce qui se passait. À mi-chemin entre l’impuissance et la colère.
Mais ce n’était quand même pas assez.
J’ai maigri. J’ai repris du poids. J’en ai reperdu. Encore et encore plus. Tout ça a quel prix? J’ai perdu du poids, oui. Mais j’ai aussi perdu mes règles, des cheveux, des amis à la tonne. Les meilleurs. J’ai eu des idées noires, visité les corridors de l’hôpital.
Pas encore assez.
Quand je me suis enfin avoué que j’avais besoin d’aide, je me suis mis des objectifs. Je voulais attendre un certain poids avant de faire appel à des ressources. Je voulais avoir l’air plus malade. Finalement, ce n’était jamais le bon jour, le bon poids. Je n’étais pas si malade que ça, je pouvais contrôler mon trouble alimentaire et ne garder que le positif de celui-ci. FAUX. STOP. Il n’y a rien de positif dans un trouble alimentaire, rien de glorifiant. Rien qui vaille la peine de perdre ta vie devant une assiette vide, une toilette remplie et un cœur meurtri.
J’ai quelque chose à te dire aujourd’hui. Ce ne sera jamais assez pour la toi-malade. La toi-malade, elle ne veut pas ton bien. Elle te détruit, t’éloigne de tes proches, pour gagner le dessus. Elle veut te faire disparaitre. Elle te manipule.
La toi-malade, elle ne te le dira jamais. Mais moi je vais te le dire : TU ES ASSEZ. Tout ce que tu es est déjà suffisant. Tu mérites de le savoir et tu mérites de vivre sans la toi-malade.
Un jour, je me suis dit stop. Parce que j’étais la seule personne qui pouvait le faire. J’ai donné la chance à ma guérison. Après tout, j’avais perdu des années à vouloir atteindre un idéal qui n’existait pas. Pourquoi ne pas prendre le risque de prendre quelques heures pour tenter un processus de thérapie.
Donne-toi cette chance. Fais-toi ce cadeau.
Je veux te dire qu’on s’en sort.
Que je suis fière de toi,
parce que tu veux t’en sortir.
Je veux te dire que ton parcours ne sera pas parfait. Et c’est tout à fait normal. J’y croyais tellement, mais TELLEMENT pas au début. Je me disais que la guérison, ce n’était pas pour moi. J’avais perdu espoir. Mais j’ai laissé la chance à la thérapie. Et c’est le plus beau cadeau que je me suis jamais fait. Croire assez en moi pour m’offrir ma guérison. Manger à ma faim. M’aimer.
Aujourd’hui, j’ai repris goût à la vie, alors que je ne me rappelais même plus il y a quelques mois ce que ça faisait d’être vivante. Ma vie dans la guérison n’est pas parfaite. Mais s’il y a une chose dont je suis certaine aujourd’hui, c’est que rien ni personne n’est parfait. Que jamais plus je ne gâcherai ma vie pour une perfection imaginaire. Je suis assez. Et tu l’es aussi, je t’assure.
Odrée
*Texte au féminin pour faciliter l’écriture. Peu importe ton sexe, ton âge, ta vie, s’il te plait, va chercher l’aide que tu mérites. Merci aux professionnels qui m’ont aidée, pour le suivi thérapeutique, le soutien exceptionnel et la permission de transmettre mon témoignage.